Elise parcourt la GTMC de Clermont au Cap d'Agde en bikepacking

20 jours pour relier Le Cap d'Agde depuis Clermont-Ferrand : On embarque avec Elise pour une lecture de son carnet de route!

[J1 - 9 juillet 2021 - de Clermont-Ferrand au Puy de Côme (51km et 1000 D+)]

Mon compagnon me dépose à la gare de Clermont-Ferrand. Même si le nouveau tracé de la GTMC part désormais d’Avallon dans le Morvan, ici c’est le départ historique. Bien-sûr, ce n’est pas aussi beau que le Mont Gerbier de Jonc l’an dernier, mais le sens est là. Après les photos de départ, je décolle : il est 9h et c’est parti ! Je contourne la place Delille et quitte la ville par le nord, direction Volvic. Et ça grimpe déjà sacrément jusqu’au Col de Bancillon ! Qu’est-ce que ce sera quand je me trouverai au pied du Mont Aigoual ?!

Je ne croise aucune boulangerie/épicerie pour déjeuner. Alors je grignote ce que j’ai et je continue. A 14h, j’ai dépassé l’objectif visé et roulé 42km. J’avais prévu de m’arrêter près du Vauriat, après 37km. Mais il est trop tôt pour poser un bivouac. Il fait beau, j’ai la pêche, je repars.

Quand la Chaîne des Puys montre un peu plus ses courbes, je me retrouve face à une immense flaque marécageuse qui prend toute la largeur du chemin. Je n’ai pas d’autre choix que de la traverser à vélo, pour éviter de me mouiller les pieds. Ah bah raté… je plante la roue avant au fond de l’eau, glisse et verse à gauche dans un gros PLOUF avec le vélo ! Trempés ! Chaussures, chaussettes, cuissard, t-shirt… à tordre ! Me voilà baptisée, dès le 1er jour ! J’essuie et essore ce que je peux.

Juste avant le Col de Ceyssat, je m’arrête dans une immense clairière qui ressemble à une savane, avec ses herbes hautes et ses arbres épars. La forêt ne me disait rien qui vaille pour bivouaquer, mais là, ça fait envie. Je mets les affaires à sécher dans le dernier soleil. Je prends le temps d’écrire. Puis je vais me préparer à manger un peu plus loin, près de bûches sciées et d’un début de cabane. Je découvre l’entrée d’un terrier et décide de planter ma tente sur un autre secteur.

Je suis heureuse de cette 1ère journée, malgré quelques côtes costauds, dont celle très caillouteuse près de Volvic. Contente d’avoir pu observer deux petites biches qui se sont échappées du chemin en quelques bonds gracieux. Amusée de découvrir un oiseau incroyable, dont j’apprendrai le nom plus tard : la huppe fasciée, qui m’accompagnera souvent. Le soir tombé, dans la tente, j’écoute et je me dis qu’il commence bien, ce voyage…

[J2 - 10 juillet 2021 - du Puy de Côme à Bessat (35km et 700 D+)]

J’ouvre un œil à 6h, après une bonne nuit, passée à me réveiller de temps en temps, comme si une vigilance persistait malgré le repos. Des rêves marquants et réalistes ont néanmoins hanté mon sommeil : j’entends de la musique, des gens s’approchent et entourent ma tente. Je vois leurs silhouettes, je ne bouge surtout pas et je contiens ma peur. Un ami m’avait conseillée : ne pas s’installer là où il y a des traces humaines… car en bivouac, les humains sont davantage source de problème que les animaux ! Dans un autre rêve, je découvre au matin que mes sacoches ont disparu ! Désespoir ! Dans la réalité, tout va bien ! Le ciel est bleu, les herbes sont trempées de rosée, le soleil se glisse dans la prairie. Je fais sécher la tente et je prends mon temps : je suis attendue chez des amis, à Bessat près d’Orcival, pour y passer la nuit.

Je décolle vers 9h, m’approche du majestueux Puy-de-Dôme, roule sur des chemins assez larges, encore boueux parfois, croise des randonneur.ses, sous des arches de verdure. Au Col de Ceyssat, je fais le plein d’une bonne eau bien fraîche et me pose à Lachamps où je prends un solide petit-déjeuner, avec vue sur le Puy-de-Dôme.

La suite va bien jusqu’à St-Bonnet-près-Orcival où j’arrive quand tout est fermé… pas grave. La sortie du village se fait par un sentier hyper pentu. Pas d’autre choix que de poser pied à terre. Ca continue de grimper plus en douceur pour atteindre le plateau d’où je peux encore admirer la Chaîne des Puys, ainsi qu’une belle croix au pied de laquelle je trouve cette magnifique plume de buse variable que je glisserai sur mon paquetage.
 
Je quitte ensuite l’itinéraire pour rejoindre Bessat, en suivant un tracé proposé par mon amie. Oh bon dieu… ça grimpe dans la forêt par un petit sentier qui me semble interminable… et ça redescend de l’autre côté. Pas moyen de savoir si je suis au bon endroit. Je finis enfin par déboucher sur une petite route et me repère grâce au topo. Le fléchage de la GTMC indique le chemin d’en face, que je retrouverai demain. Pour le moment, je tourne à gauche, file dans la pente et sur la douceur du goudron, pour arriver à destination vers 15h. La mini côte ultra-raide devant la maison est un dernier pied-de-nez ! Mon ami dit qu’il a vu arriver une fusée, que je suis une machine… il exagère...

Il m’aide à faire sécher la tente encore mouillée, met mon linge marécageux à laver, on parle vélo évidemment puisque c’est son domaine, il nous cuisine une super truffade, me conseille sur l’eau et sur l’utilisation de Micropure (eau claire uniquement, fontaine ou ruisseau, me fier à la couleur et à l’odeur, eau des cimetières fiable à 100 % car reliée au réseau), m’explique que le Cap d’Agde est un ancien volcan… j’écoute attentivement tous ses conseils et explications de géologue… on passe une chouette soirée… et j’ai presque honte de dormir dans un lit dès le 2e soir.

Plume devant croix en pierre

[J3 - 11 juillet 2021 – de Bessat à Besse (40km et 870 D+)]

Après une excellente nuit et un petit-dej royal sur la terrasse, je suis prête à repartir. Hier, le temps a été un peu capricieux en fin de journée. Ce matin, tout est clair et calme. Mon ami m’accompagne jusqu’au tracé de la GTMC, repéré la veille. Il trouve que j’ai de l’allure, qu’on se croirait dans un magazine ! Le chemin monte tout de suite ! Alors qu’il ne faut rien me demander avant 10km... je pousse déjà, ah j’ai de l’allure, c’est sûr ! Il dit qu’avec mon chargement, il ne se rend pas compte.

On se quitte et je prends doucement mon rythme. J’arrive à Servières, lac adoré… les sentiers sont ludiques, avec quelques bonnes montées jusqu’à Pessade. Ensuite, jusqu’à Mareuge, c’est facile, c’est beau. Puis ça grimpe, c’est caillouteux mais je passe bien, et suis fière de ne pas poser le pied. A Beaune-le-Froid, je déboule dans… la fête du village ! J’adore… d’un coup, il y a plein de monde, des odeurs de bouffe, de la musique et même des danseurs qui dansent la bourrée en costume !

Je m’attarde un peu, savoure cette traversée de village inattendue et poursuis ma route. Ca descend pas mal, dans des pierres et une pente marquée qui passe devant les ruines de Varennes. J’arrive sur la plage du Lac Chambon par la rive sud. C’est l’heure de déjeuner ! Le Bar-Resto me tend sa terrasse, où je déguste une grande salade près d’une glace à l’italienne géante. Je prends mon temps. Un couple de cyclistes, chargés également, s’attable un peu plus loin. Avant de repartir, je trempe mes jambes dans le lac et observe les gens autour de moi.

Il me reste 11km jusqu’à Besse, qui ne seront pas donnés ! Après St-Victor-la-Rivière, ça grimpe et c’est tape-cul ! Les paysages sont toujours fabuleux. A Besse, c’est dimanche-brocante : le village est animé, beaucoup de commerces sont ouverts, l’ambiance est sympa. Je trouve des piles pour remplacer celles de mon compteur, et des indications pour rejoindre le camping. Je descends en direction d’Issoire… mais j’ai un doute et je n’ai pas envie de tout descendre pour tout remonter… Je m’arrête à hauteur de la gendarmerie et vais poser la question au gendarme de garde, très compréhensif.

Je continue donc et m’installe au camping. Je n’aurais pas eu l’énergie de bivouaquer ce soir. J’apprécie la douche, la petite lessive, la bière locale, la commande d’un pain au chocolat/croissant pour le petit-dej. Seule légère inquiétude : la météo devrait se dégrader demain…


[J4 - 12 juillet 2021 – de Besse à Allanche (60km et 910 D+)]

A 5h45, le son de quelques gouttes de pluie sur la tente me réveille. Je n’hésite pas longtemps et décide de me lever pour tout plier tant que c’est à peu près sec, car il n’a pas plu de toute la nuit. Et je fais bien ! J’ai à peine fini de ranger la tente que l’averse reprend. Je m’abrite sous un arbre pour finir de charger. Il est 7h. Je vais me poser dans les sanitaires et rentre aussi mon vélo. Je refais le stock d’eau, discute avec un gentil monsieur qui étale tout de suite son palmarès de marcheur-montagnard-aventurier-qui-a-fait-35-pays et qui me demande si je suis étudiante, haha ! Je suis impatiente de partir, tant qu’il ne tombe pas des cordes. Mais je veux aussi attendre les viennoiseries, seulement disponibles à 8h. Et ce n’est pas plus mal : ça laisse un peu plus de temps à ma lessive qui sèche péniblement (je lui donne un coup de sèche-cheveux qui n’avance pas à grand-chose). L’orage gronde…

A 8h30, un bon petit-dej dans le ventre, je quitte Besse et monte vers le Pavin, puis vers Montcineyre : c’est beau ! Le temps est couvert. Et la pluie revient. Dans le bois, je suis protégée, mais la boue est là et les moustiques aussi. Le couple aperçu au Chambon me rejoint. On discute un peu, tout en contournant une grosse flaque. Ils viennent de Langeac et vont jusqu’à Murat. Lui, en VTT « musculaire », elle, avec assistance. Ils passent devant et filent.

C’est le Cézallier qui commence, avec des côtes, des paysages tout en courbes, somptueux bien que brumeux, Brion, La Godivelle et une pause bien méritée à Jassy vers 12h, sous un arbre, alors qu’il pleut un peu, mais en continu. Banane, pâte d’amande, fruits secs, barre de céréales. Un autre bikepacker déboule, de l’eau dans la barbe et sur les lunettes. Il freine en me voyant : « Justement, je me demandais si je n’allais pas faire une pause ! C’est l’enfer là ! C’est toi qui as dormi chez des amis près d’Orcival ? »… ?!?!?! Heu oui… comment tu sais ça ? Il s’appelle Sulivan et a croisé mon amie qui roulait avec ses ami.es. Elle lui a dit qu’il me trouverait sûrement sur le chemin. Les nouvelles vont vite ! Aussi vite que lui… qui est parti mardi d’Avallon et qui est rendu au même endroit que moi, partie de Clermont vendredi ! Il grignote aussi, communique avec un ami qui roule quelques km derrière lui. On repart ensemble, mais il reprend vite son rythme et disparaît dans les prochains virages.

Je retrouve la portion pédalée avec une collègue, sous un ciel gris cette fois-ci. Ca grimpe jusqu’au Col de Chamaroux, puis sur la piste caillouteuse. Tout est trempé : les vaches, les chevaux, les prés, moi. Je suis contente d’arriver en haut et de passer du côté de Pradiers puis d’Allanche, où la pluie cesse un peu. Je m’arrête à la Cascade des Veyrines pour la photo. Dans Allanche, tout est fermé : c’est lundi. J’ai rendez-vous au camping avec un copain qui me rejoint en moto. Je le préviens que je suis à Allanche et l’attends devant la mairie, sous la halle. Gros coup de bol car une averse monumentale commence brutalement et fait claquer ses gouttes ! Lorsqu’elle est finie, comme je me refroidis et que le copain ne fait pas signe, je roule jusqu’au camping, sur la route vers Neussargues. La dame à l’accueil est super sympa : elle a mis le chauffage dans les douches (et la musique…), elle me donne ce qu’il faut pour que je puisse laver et sécher mon linge et me dit que nous pourrons nous installer dans la salle commune, pour dormir au sec et éviter de monter nos tentes sous la pluie. Je savoure la douche chaude, les vêtements secs et la doudoune ! Un fil à linge abrité m’invite à étendre ma tente encore humide. Le copain arrive. On prend nos quartiers dans la salle. Et comme la pluie cesse, on ressort pour boire 2 bières en croquant quelques chips et en papotant. La nuit arrive, et après un petit dîner improvisé, la fatigue me tombe dessus. Je dors par intermittence. Le copain ronfle…

Elise à la cascade des Veyrines

[J5 - 13 juillet 2021 – d’Allanche à St-Flour (48km et 750 D+)]

Pas besoin de réveil encore ce matin. A 7h, le jour nous tire du sommeil et invite le copain à prendre sa moto pour ramener des viennoiseries d’Allanche. Le temps est frais, couvert, mais il ne pleut pas. Après le petit-dej, on prépare chacun.e nos affaires : lui, ses grosses « valises » de moto, moi, mes sacoches au chargement millimétré. Je me sens en forme, la motivation intacte, ni douleur ni courbature, les batteries rechargées !

A 8h45, on se sépare et à 10h, je suis à Chalinargues, à 11h à Neussargues… trop tôt pour manger… et comme il ne pleut pas, je continue ! Outch, la sortie de Neussargues grimpe fort ! Je débouche sur la planèze, un grand plateau où paissent des chevaux. Un lièvre vient vers moi, innocemment, avant de réaliser que je suis là et de faire demi-tour à toute berzingue. Au même moment, une biche apparaît sur ma droite. Apeurée, elle s’élance dans les hautes herbes du pré. Je la retrouve un peu plus loin, qui continue à fuir à grands bonds.

A Coltines, je fais une mini-pause devant une très belle église, ses fleurs et ses vieilles pierres tombales. Je repars tant qu’il ne pleut toujours pas. Je découvre le château de Sailhant, me farcis quelques côtes, de la boue et une belle chute dans les grandes herbes à cause d’une grosse ornière, sous les yeux d’un couple en VTT ! Je les avais vus me rattraper, j’avais un doute car le balisage n’apparaissait plus… j’étais donc un peu déconcentrée et l’ornière m’a rappelée à l’ordre ! Le couple s’arrête à ma hauteur. Je ne me suis pas fait mal, je me marre, me remets doucement debout et redresse mon vélo. On discute un peu. Comme le couple précédent, lui a un VTT « musculaire » (ce terme continue de me faire sourire), et elle, une assistance. Lui est devant, elle derrière. Lui parle, elle est en retrait... Ils ne sont pas chargés. En regardant ma monture : « Mais il y a toute la petite maison là, on dirait ? » Oui oui :-) Ils repartent et, quelques côtes plus loin, je les retrouve à la Brasserie de St-Flour, sur la place de la cathédrale.

J’y arrive à 13h30 et la pluie aussi… Je cherche l’ancien séminaire, où mes collègues ont dormi, et qu’elles me recommandent. Une dame me dit que c’est entre la ville haute et la ville basse. Elle me conseille l’Hôtel du Nord, en plein centre, où je peux aller de sa part, Patricia. Mais l’hôtel est complet et m’envoie aux Planchettes… qui s’avère être l’ancien séminaire ! Qui d’ailleurs est celui que j’avais noté sur mon plan de route ! Si les hôtels ont plusieurs noms… je m’y perds et finalement m’y retrouve. La réception n’ouvre qu’à 17h, il pleut des seaux maintenant, je m’abrite sous un parasol de la terrasse et appelle mon compagnon qui me rejoindra pour la nuit. Je me rends ensuite à la Brasserie pour déjeuner et me mettre au chaud et au sec. Le couple de tout à l’heure a fini de manger. Je suis assise juste à côté d’eux. Dans la conversation qui reprend, je veille à m’adresser autant (voire plus) à elle qu’à lui. Elle me trouve d’autant plus courageuse que je n’ai ni GPS, ni Internet, ni applis, et que je pédale avec un vélo du même poids total que le sien (environ 24kg) qui est équipé d’une assistance…

Il pleut sans discontinuer… un vrai mois de novembre... je suis contente d’avoir fini l’étape du jour tôt et de pouvoir rester au bar. C, mon compagnon, arrive vers 18h30. Entre temps, je me suis installée à l’hôtel. On ressort prendre l’apéro au Café de la Halle. C’est chouette. On dîne dans le grand réfectoire du séminaire où les serveuses sont des apprenties, visiblement. C’est drôle : elles font glisser les verres sur les plats, se prennent les pieds dans les jambes de C, galèrent à découper les parts de fromage… s’en amusent !… et nous aussi !

[J6 - 14 juillet 2021 – de St-Flour à Paulhac en Margeride (49km et 1080 D+)]

Mes yeux s’ouvrent vers 7h… je vais tout de suite à la fenêtre… il pleut… et le paysage est dans les nuages. Inutile de se presser. Petit-dej tranquille dans une autre très belle salle de réfectoire. J’embarque une pomme et une banane pour les en-cas de la journée. En préparant mon vélo, sous le porche, je finis par reconnaître le 1er couple de cyclistes. Il fallait que nous soyons à nouveau en tenue et avec nos VTT pour nous identifier ! Le temps pourri les pousse à renoncer : ils rentrent à Langeac.

Je me mets en selle vers 9h. La pluie a cessé. 10° au thermomètre. Une petite montée d’émotion en quittant C. et c’est reparti ! La portion jusqu’à Ruynes-en-Margeride n’est pas difficile. C’est agréable : j’aime alterner petites montées, passages accidentés, douceur du goudron… J’évite les escargots, j’arrive à ne pas patauger dans les flaques que je traverse plus habilement ou contourne prudemment. Certains chemins sont carrément devenus ruisseaux… au bord desquels je croise des vaches dont le regard et l’arrêt me semblent toujours plein de curiosité et d’étonnement, comme si elles étaient interloquées à la vue de cette drôle de créature sur roues ! Juste avant d’arriver à Ruynes, ça grimpe et je finis à pied. Le 2e couple de vttistes arrive derrière moi. Lui, me demande si la nuit fut bonne, « Excellente ! », elle, me félicite : « Bravo ! »… alors que j’ai un peu honte qu’ils me voient en train de pousser…

Ils continuent et je les retrouve à Ruynes où c’est la fête du village (décidément !), sûrement pour le 14 juillet : brocante, musique, danse. Elle s’est arrêtée aussi, pendant que son mari file devant. Elle sourit : « J’ai dit à Jérôme : Regarde, elle est là, notre petite ! » :-)

Après Ruynes, je sais que j’entame la partie difficile : ça va monter ! Le temps reste humide et couvert, sans être pluvieux. Je pousse, je marche, je pédale… et ainsi de suite, pour finir par atteindre le Col du Signal à 1350m. La pluie a fini par s’inviter vraiment. Rendant même les passages plats difficiles parfois : boue, flaques, sable, sol raviné… le terrain colle aux pneus et me ralentit bien.

J’arrive vers 13h30 au Musée de la Résistance. Il me reste 8km qui ne seront pas offerts par la maison ! Il faut grimper au Mont Mouchet par une sente caillouteuse et mouillée, que je n’ai pas trouvée tout de suite, du fait d’un balisage peu explicite… Là-haut, la vue est bouchée et la table d’orientation ne montre qu’une grande nappe de nuages.

Je passe par Auzenc et arrive à Paulhac-en-Margeride où 2-3 ados gesticulent à mon arrivée et me demandent mon 06 !?!? ah ouais d’accord… Je trouve l’Auberge du Bon Accueil, en face de l’église, et m’installe dans le gîte bien rustique, comme me l’a indiqué le propriétaire au téléphone. Je branche tout de suite le chauffage, qui diffuse son souffle chaud, ce qui réjouit mes orteils. Le topo mentionne un garage à vélo, mais je ne vois qu’une grange bric-à-brac où volettent des moineaux. Ma bécane sera bien, là. Je lui offre même un bon coup de jet pour la décrotter un peu.

Je suis contente que les 2 prochaines journées soient plus light et que la météo s’améliore, en principe. Contente aussi d’avoir acheté des jambières, que j’ai mises aujourd’hui pour la 1ère fois et qui m’ont bien protégée du froid. Je me demande si la météo fraîche et brumisante n’est finalement pas plus adaptée à mon voyage qu’un gros cagnard…

A 19h30, je vais m’installer à l’auberge pour dîner, près de l’insert et de sa bonne chaleur. Je ne sais pas ce que je vais manger. Un couple et leur fils arrivent aussi. Ils logent un peu plus loin, dans une cabane perchée dans un arbre. Le garçon joue au babyfoot avec ses parents qui se dévouent à tour de rôle. Il vient aussi devant le feu et danse en imitant les flammes. Daniel, l’aubergiste, me sert une omelette aux cèpes et une salade, avec une bière. Il vient nous montrer un plein sac des cèpes qu’il a ramassés aujourd’hui ! Je mange tranquillement, discute avec la famille. Puis il débarrasse mon assiette et revient avec une autre assiette fumante de pâtes et de poulet !! Je n’avais pas compris que l’omelette n’était que l’entrée ! Je termine par du fromage et une île flottante… et sors de table plus que repue… Repas gargantuesque donc… ambiance authentique… et demain, aux Bouviers, je serai déjà au 1/3 de mon périple…

[J7 - 15 juillet 2021 – de Paulhac-en-Margeride au Giraldès (51km et 1020 D+)]

A 7h, j’écarte le rideau : ciel gris mais pas de pluie. Toitures et route sont à peu près sèches. Je me lève tranquille et retrouve ma table à l’Auberge pour le petit-déjeuner. Daniel est toujours aussi sympa, simple, attentionné. On parle rapidement de l’histoire du village, incendié par les nazis à la fin de la 2nde Guerre Mondiale… un peu comme à Oradour-sur-Glane, mais sans victimes car le village avait déjà été déserté par ses habitant.es. Il cuisine dès le matin, je l’entends et me demande ce qu’il va bien pouvoir m’apporter. Pain, beurre, confiture, thé vert... pendant que quelque chose frit dans la cuisine et « embaume » les lieux… Le cendrier plein sur le bar me rappelle une autre époque...

Je décolle à 9h, avec la cloche de l’église qui sonne dans un rayon de soleil ! Le trajet suit déjà le relief vallonné. Au bout du chemin, un jeune sort d’une voiture et me signale que je me suis trompée… il ferme la clôture de son pré, sa femme attend dans la voiture. Il dit que ça arrive souvent, et en effet, je n’ai pas vu l’indication à tourner à droite, pour traverser le vallon et remonter en face… (quelle chance de trouver quelqu’un qui me remet sur la route, alors que je n’ai rien demandé et que j’aurais pu tourner en rond longtemps!) Partie il y a seulement 5km, ce genre de montée longue dans les cailloux ne passe toujours pas sur la selle… La suite va mieux.

Les paysages sont superbes : Truc de la Garde, église de Chanaleilles, Buron du Sauvage. Pour se rendre au Domaine du Sauvage, le topo n’indique pas qu’il faut quitter le balisage, faire un aller-retour et venir le reprendre… Je choisis d’admirer le Domaine de loin (déjà vu de près) et de poursuivre vers la station des Bouviers.

Quelques grimpettes, avec et sans difficultés (racines, pierres…), un passage monotrace assez bref et sympa, puis c’est la piste jusqu’à la station qui semble déserte. L’Auberge est définitivement fermée, faute de gérant. Je discute avec 2 couples devant l’Accueil. L’un des 2 hommes me dit que je dois être en cannes maintenant… et je pense que oui !

Il est 13h30. J’avais prévu de m’arrêter là mais… vu l’heure, la météo incertaine (malgré les « demain, ça ira mieux ») et l’impossibilité de me ravitailler correctement, je décide de pousser jusqu’au Giraldès. J’appelle L’Oustal de Baly pour m’assurer qu’il y a de la place. C’est tout bon.

Des pistes, pas trop de dénivelé, mais un passage assez long avec des racines, des rigoles, des flaques… un peu technique et bien tape-cul ! Sur les côtés, des myrtilles, des framboisiers… dommage que ce ne soit pas la saison… Des blocs de granit, des paysages toujours sublimes et qui se métamorphosent, devenant un peu plus arides.

Souvent, en fin de parcours, je me dis « Reste concentrée », parce que je sens que je relâche l’attention. Pas facile non plus de regarder le chemin, les obstacles, de piloter, et de suivre le balisage ! Des chevaux ont déposé leurs crottins, sur lesquels s’agglutinent des mouches qui s’envolent en nuées à mon passage. Je ferme bien la bouche !

Et j’arrive au Giraldès par le haut. Je demande où se trouve le gîte à un homme qui attend près d’une croix. Il me montre la maison avec la cheminée et la « valala »… je mets quelques secondes à comprendre qu’il parle de la véranda. Je m’en vais toquer à la porte… « on est là » derrière moi. Un couple âgé traverse la rue et vient vers moi. On pose le vélo dans le garage. En fait, Jeannette et Daniel m’accueillent chez eux ! Comme je n’ai pas mangé à midi et qu’elle en est effarée, Jeannette m’installe dans la cuisine que le poêle chauffe agréablement, avec du cake maison (fait par Lenny, son petit-fils en vacances) et du thé. Daniel regarde le Tour de France  et a la prévenance de couper le son. Lenny et Jeannette sont drôles, tendres, taquins, câlins. C’est bon de voir une grand-mère et son petit-fils ainsi. Elle me montre ma chambre où je m’installe tranquillement. On se retrouve pour le dîner, tous les 4 dans la cuisine, « comme à la maison » ! Daniel descend sa bouteille de vin rouge et s’amuse à parler en patois à Lenny, 7 ans, plein d’énergie, une bille de clown… l’ambiance est joviale et assez inattendue pour moi, après cette 7e journée à pédaler, seule dans la nature.

Elise au Col du Cheval Mort

[J8 - 16 juillet 2021 – du Giraldès à Bagnols-les-Bains (66km et 1000 D+)]

Aujourd’hui sera une journée un peu plus spéciale que les autres…
Dès le départ, ça grimpe (ça c’est habituel… et me cueille à froid… mais je pose à peine le pied). A mi-hauteur, je prends congé de Daniel qui est monté en 4x4 pour promener son chien. Après le Col du Cheval Mort (ça fait rêver…), au Truc du Fortunio, dans le brouillard, je me paume un peu et je fais un petit aller-retour de vérification. Tout est ok.

J’arrive au Lac de Charpal, bien brumisée et je rencontre 2 autres VTTistes, un père et son fils : « Vous êtes la dame de Brioude ? »… ?!?!?… voilà que ça recommence :-) Ils ont croisé Daniel et son chien ce matin, qui leur a dit qu’ils me trouveraient sûrement sur leur route. Ils sont partis de Neussargues et vont jusqu’à Ste-Enimie. Ils pédalent tranquille. Le père tracte une petite remorque monoroue et s’oriente avec une carte papier IGN posée sur un support + boussole. Je ne suis pas la seule à bouder le GPS ;-) Le fils est heureux de raconter le bivouac, les repas lyophilisés, le café sous la tente le matin. On roule ensemble jusqu’à Laubert, dans une dernière descente sur une grande piste avec des bosses pour sauter un peu. Ils préfèrent continuer, peut-être jusqu’au Mont Lozère. Moi, j’ai envie de déjeuner à La Pontière.

La déco est sympa, le monde arrive peu à peu et le resto se remplit. Je mange bien, et heureusement, parce que je vais avoir besoin de plus d’énergie que prévu… car je vais me perdre. Et bien bien. Sûrement juste après Laubert… en confondant le balisage de la liaison vers Langogne, avec celui que j’aurais dû suivre. J’ai des doutes assez souvent, mais je continue car le topo ne me permet pas de me repérer : je ne trouve pas les bleds où je passe car ils sont cachés sous les encadrés posés sur la carte… une belle connerie… l’occasion de dire que le topo est loin d’être parfait… (pardon :-/)

Après une côte bien corsée, j’arrive dans un village. L’office du tourisme est juste en face de moi. Je découvre alors où je suis, avec effarement et amusement : à Châteauneuf-en-Randon… je suis remontée plein nord, au lieu de descendre plein sud !! La dame à l’accueil est adorable et fait tout pour m’aider : elle décroche la carte du mur, photocopie les parties utiles, me donne des surligneurs pour tracer ma route et rejoindre la GTMC. Je suis très touchée par sa gentillesse et sa sollicitude qui me font prendre cette mésaventure avec le sourire. Le fait qu’il ne soit que 14h et que la météo soit correcte me rassure aussi.

Je remonte sur ma bécane, roule sur des petites routes vallonnées, demande à un groupe d’ados, confirmation et précisions. Ils m’indiquent bien, ça grimpe, et je retrouve mon balisage chéri au Carrefour de la Pierre Plantée. Deux des filles du groupe me rejoignent en quad et sont contentes de voir que tout est rentré dans l’ordre pour moi.

Les 12 derniers km sont bien sportifs à nouveau, avec une dernière descente sur de grosses pierres, le long d’un mur en pierres sèches qui renvoie une chaleur incroyable !

A Bagnols-les-Bains, je débarque dans un autre monde : un rallye se prépare pour le lendemain, ça ronfle et pétarade dans tous les sens… et le camping est chargé. Arrêt boulangerie-épicerie, installation au camping, nettoyage du vélo au jet. Les dames du camping sont très accueillantes et quand je constate que mes voisin.es bruyant.es vont me faire péter un plomb (barbecue, enfants qui pleurent, alcool, voix fortes…), je retourne les voir pour demander si je peux changer d’emplacement. Elles dînent dehors avec des ami.es et me proposent leur aide pour transporter ma tente. Je n’y aurais pas pensé et découvre ainsi qu’elle est auto-portée ! Déménagement express, un peu plus au calme… ouf. J’ai eu ma dose d’émotions pour aujourd’hui, sans parler du bonus de 20km que m’a coûté mon erreur d’itinéraire.

[J9 - 17 juillet 2021 – de Bagnols-les-Bains à Pont-de-Montvert (49km et 1060 D+)]

Il est 7h. Les pilotes commencent déjà à faire vrombir les moteurs… La nuit n’a pas été bonne : des gars se sont embrouillés vers 1h du matin et ont fait péter les plombs à tout un groupe ! Ça gueulait sans fin et par intermittence, jusqu’à 6h du matin !! L’un hurlait : « Mais calmez-moi !! » Ce matin, j’ai les yeux bouffis. La gérante est confuse. Mais elle n’y est pour rien.

Je pars vers 9h et la petite route se cabre déjà, doucement mais tout de même, puis se transforme en piste qui grimpe encore, sur une dizaine de km. Ensuite c’est plutôt plat, mais bourré de racines et de pierres. Et ça monte encore, dans le vent et le froid, avec quelques embellies. Le paysage s’ouvre à l’approche du Mont Lozère que je contourne à plat sur une piste agréable, avant d’arriver au Col de Finiels où je m’abrite du vent pour grignoter. Un autre cycliste fait aussi une pause et m’annonce que je vais trouver le soleil. Et il a raison !

Le paysage change radicalement : des boules de roche, des collines arides, des herbes ondulant dans le vent, des maisons massives en granit… Et ce soleil qui revient me fait beaucoup de bien ! Les hameaux « Le Cros », « Salarial », « L’Hôpital » donnent envie de s’y arrêter… Jusqu’à Pont-de-Montvert, ça descend sur une petite route : pas besoin de pédaler, faire attention aux rares voitures et dévorer le paysage.

Le village est très beau, touristique mais pas trop. Le chemin de Stevenson passe par là et les marcheur.ses sont nombreux.ses, parfois accompagné.es d’un âne. Je me pose au camping, au bord du Tarn et reprends mon vélo allégé pour aller boire une bière dans le village. Je fais quelques courses, me promène dans les ruelles, retire des espèces, puis descends à la rivière pour pique-niquer. J’adore… un rocher au soleil, l’eau qui court et dans laquelle je trempe pieds et mollets que le courant masse… un délice ! Un homme pêche. Je savoure ce que je mange : tomate, avocat, pain, fromage, nectarine.

Au camping, des randonneur.ses ont visiblement mal aux pieds, aux jambes… je suis contente d’être à vélo, de n’avoir mal nulle part (même pas vraiment aux fesses, malgré de minis irritations), de pouvoir laisser filer quand ça descend facilement et de gagner ainsi quelques km sans effort.

Pas loin de ma tente, une autre fille seule à vélo+sacoches s’est installée (pas VTT, plutôt « randonneuse »). Elle tricote en écoutant de la musique. Je n’ai pas encore osé lui parler et elle non plus. La voilà justement qui passe devant moi et engage la conversation ;-)

Quelques pensées du jour : le « grand doucement » quand ça monte et que le terrain n’est pas trop accidenté / le plaisir d’arriver quelque part / et la cloche de Pont-de-Montvert, dont le son ressemble à celui d’une casserole qui tombe, métallique et bien déglinguée :-)

[J10 - 18 juillet 2021 – de Pont-de-Montvert à Ispagnac (44km et 900 D+)]

Excellente nuit. Le vent se relève ce matin. Autour de moi, les randonneur.ses sont presque prêt.es à partir et s’arrêteront dans le village pour un petit-dej. La collègue est prête aussi et s’arrête encore pour discuter un peu et me souhaiter bonne route. Je suis la dernière à plier. Je fais le plein d’eau aux sanitaires où 2 gars s’intéressent à mon vélo et à mon chargement. Ce qui les surprend le plus, c’est que je voyage seule.

Le début de la journée commence par une ascension sur une petite route, bien gérée : bonne mise en jambes. Sur les hauteurs, les paysages somptueux m’en mettent plein la vue dès le matin !

Et ensuite… je traverse un ruisseau, je roule dans la forêt et je me repaume. Pas de balisage au croisement où j’arrive… Je prends mon temps pour bien regarder et essayer de comprendre où je suis… mais… il faudrait quelqu’un à qui demander… Et hop… aussitôt exaucée : au bout d’un des chemins, apparaît un petit groupe qui marche ! Ni une ni deux, topo en main, je cours vers eux! Eux non plus n’utilisent pas de GPS. Grâce à leur carte IGN très précise, je me repère et retrouve mon chemin, pour arriver au pont du Haut-Ramponsel et grimper à pieds dans les cailloux… dur dur…

La suite s’avère tout aussi corsée, également à la descente, interminable et dans de la grosse pavasse. Je dérape dans un virage et chute vers l’avant, me réceptionne sur les mains et récolte un bon hématome sur la paume, à la base du pouce droit. Les gants m’ont protégée et tout va bien. Je continue doucement car je sens que ma confiance est entamée.

Après Salièges et Ramon dans la vallée, il me faut remonter, et encore dans les cailloux. La chaleur se fait sentir, je marche et pousse, fais des pauses à l’ombre, croise un marcheur qui descend et me souhaite bon courage : il en faut, c’est long ! Et puis enfin, je peux basculer de l’autre côté, sur une pente roulante où j’ai plaisir à prendre de la vitesse, et l’air qui va avec, qui me rafraîchit et me sèche un peu. Je dois ralentir brusquement car un groupe s’est assis en plein milieu, mais alors en plein milieu pour pique-niquer ! Je le dis en éclatant de rire :  « Ah en plein milieu ! » « Mais on croyait qu’il n’y avait personne ! » Je croise un autre marcheur qui me regarde et me sourit joliment.

Je passe au Bédouès et arrive à Florac où je m’assois à la terrasse « Chez les Paysans » pour déjeuner copieusement. La soleil tant attendu est là… et sa chaleur aussi. Je suis motivée pour rouler jusqu’à Ispagnac et mordre un peu sur l’étape de demain, mais j’ai d’abord besoin de digérer et qu’il fasse moins chaud. Je me pose sur un banc sous les platanes de la place centrale, quand la collègue quittée ce matin apparaît ! On ne pense pas à se demander nos prénoms… on papote à nouveau. Elle est arrivée tôt à Florac : par la route, trop facile… pendant que je me perdais et en bavais en passant d’un vallon et d’une montagne à l’autre :-)

Je repars en milieu d’aprem et suis la portion que nous avions empruntée avec mon ami. J’arrive à Ispagnac vers 16h, plante la tente au camping qui se trouve sur l’itinéraire. J’ai gagné 10km sur le parcours de demain. Je laisse le vélo tranquille et marche jusqu’au village pour quelques courses (par chance, le petit supermarché est ouvert le dimanche!), je bois une bière sur la place de l’église, observe et écoute les gens autour de moi (Paulette que tout le monde semble connaître, une femme enceinte et les discours habituels qui s’ensuivent sur les filles et les garçons…).

Puis, je me dirige vers le Tarn au bord duquel j’ai envie de dîner tranquille. Sur une place en herbe, en bordure de village, un groupe se réunit : même grand manteau pour chaque personne, des sacs à dos… dont une jeune femme assise sur le muret à côté duquel je passe. Je la questionne, elle m’explique avec beaucoup de douceur : c’est un groupe catholique, qui va prier, marcher une semaine, dans le dénuement, avec cette djellaba en laine, en référence aux « goum ». Je lui parle de mon voyage… on prend le temps, elle me demande comment je m’appelle. Elle, Albane. Je la laisse, avec émotion. On se souhaite bon voyage.

Je déniche une petite plage au bord de la rivière, baigne mes jambes et dîne avec simplicité et plaisir dans le jour qui tombe. Demain, j’ai rendez-vous avec F., ma partenaire de chemin, à Ste-Enimie.

baignade dans le Tarn

[J11 - 19 juillet 2021 – d’Ispagnac à Ste-Enimie (21km et 700 D+)]

Petite étape aujourd’hui. Je suis contente de devoir attendre F. à Ste-Enimie. Ca m’oblige à prendre une demi-journée de pause. A midi, je suis au rendez-vous. Je m’attable à la Crêperie sur la petite place, à l’abri du passage des voitures et des touristes, après 20km de passages sportifs et techniques.

F. arrive vers 14h. C’est un immense plaisir pour moi de la voir arriver ! Elle a laissé sa voiture à La Canourgue et a rejoint Ste-Enimie à vélo par la route, pour rouler avec moi une semaine. On prend notre temps : retrouvailles, limonade, inspection rapide de nos montures… Grâce au couple qui a déjeuné à côté de moi, et à l’observation de mon « bike » par l’homme, je réalise que ma sacoche de selle doit être réajustée : le stabilisateur est très incliné, signe qu’il a pris du jeu, à force de secousses, de chocs, et de bourrage de duvet dans la sacoche.

On finit par lever le camp, faire quelques achats, dont 2 bières et des chips au roquefort qu’on va déguster à l’ombre, sur une petite digue, les pieds dans le Tarn, au milieu des enfants qui pêchent  à l’épuisette et des papi/mamie qui posent leurs sièges dans l’eau. On est bien :-)

On se met en selle vers 17h pour rejoindre le singletrack engagé et exposé qui descendra demain à St-Chély-du-Tarn. On s’arrête pour bivouaquer, sans que j’arrive à lever mon doute : est-ce bien cet endroit que nous avions repéré avec mon compagnon ? Après moult hésitations à avancer encore, on décide de rester là. On pique-nique, tout en guettant les nuages gris qui tournent au-dessus de nos têtes. Un couple qui marche s’arrête pour discuter et nous parle d’une superbe aire de bivouac un peu plus haut… Un peu tard pour se déplacer… tant pis, on verra le spot demain en passant devant ! La tente est plantée, on entend des bruits de pas dans les feuilles de la pente derrière nous, sans arriver à distinguer ce qui se déplace…

[J12 - 20 juillet 2021 – de Ste-Enimie à Cabrillac (36km et 1430 D+)]

F. a dormi avec ses boules Quiès, moi j’ai entendu les bruits de la nuit – et du camping tout en contre-bas – et j’ai retrouvé le sommeil léger du bivouac. Nous sommes presque prêtes à lever le camp, quand une petite mamie apparaît : elle vient jusque-là pour passer un coup de fil, parce qu’en bas ça ne passe pas ! Sacrée motivation et sacrée patate : la balade n’est pas de tout repos…

La journée nous attend avec son gros dénivelé et ses sentiers minéraux, comme dit le topo… ça veut dire qu’on va déraper dans la caillasse, enfin surtout moi, avec mes pneus plus (trop) fins, et ça va attaquer fort pour F… qui va s’en sortir nickel et rouler toujours devant ! Son expérience du VTT est bien présente et lui permet de s’adapter à mon rythme, tout en se familiarisant avec le profil de la GTMC, et avec ses portions les plus techniques… Toute la semaine à venir, nous allons rouler sur des portions cotées V3+, V3-, c’est-à-dire comportant des sentiers caillouteux parfois raides, avec des marches, des épingles… parfois aussi des passages plus exposés, très raides, du « trial » facile, des descentes soutenues.

Sachant cela, on s’offre un bon petit-déjeuner à St-Chély-sur-Tarn, après avoir suivi le monotrace très étroit et aérien qui surplombe la rivière. L’Auberge de la Cascade nous tend les bras et on ne refuse pas le buffet bien garni qui va nous donner des forces pour la montée qui arrive, jusqu’au Col de Coperlac. Pas facile, mais on prend vite de la hauteur et la vue sur le Tarn est superbe. L’arrivée sur le Causse Méjean permet de souffler un peu et la suite jusqu’à Nivoliers n’est pas très difficile.

On y découvre l’Auberge du Chanet, très chic et élégante, contre toute attente dans ces paysages désertiques. On détonne un peu, dans nos tenues et notre sueur... Le serveur nous dit d’abord que le service est fini. Il est seulement 13h et « les pauvres cyclistes affamées » que nous sommes lui font poser la question à la patronne. Il revient et comme « elle a le coeur gros », on peut s’installer.
Après avoir dégusté de bons petits plats raffinés, on se met en quête d’un endroit à l’ombre pour une petite sieste, un « clopet » comme dit F. Ce sera au milieu de la route pour elle, et adossée à un arbre pour moi.

On repart une fois le gros de la chaleur passé, pour traverser des paysages de steppe somptueux. Le Chaos de Nîmes-le-Vieux est à tomber… les nuages qui font jouer ombre et lumière en rajoutent une couche. Jusqu’à Cabrillac, certaines montées nous font poser pied à terre et tirer la langue, dont la dernière, interminable !

On traverse Cabrillac en quête d’eau pour le bivouac de la nuit et de renseignements quant au Refuge des Drailles où nous avons prévu de poser la tente. Les fenêtres des maisons sont ouvertes, mais pas âme qui vive… Je finis par distinguer la silhouette d’un homme, qui accepte de remplir nos bidons et nous indique la direction du Refuge.

F. aperçoit un renard que je finis par voir aussi distinctement, avec sa belle queue rousse et blanche en panache. Le Refuge est un lieu insolite. Un couple de randonneur.ses y est déjà installé. Là encore, c’est surtout lui qui parle et elle qui reste en retrait, ultra discrète. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a de l’eau : on va pouvoir se laver, debout sur la grille ou accroupie au robinet, dans une sorte de vieille salle de bain de colonie de vacances pas clean du tout, mais se sentir propre est tellement agréable, que ça passe bien ! On installe notre tente face à la vue, on dîne sur une table en bois (luxe!) et on remplit nos carnets de bord avant d’intégrer nos duvets. Je suis contente de cette 1ère journée à deux : on s’entend bien, nos rythmes s’accordent, et ce changement dans mon voyage m’aide à garder un moral et un physique au beau fixe.

bivouac en Lozère
[J13 - 21 juillet 2021 – de Cabrillac au Mas de Ribard (après Salagosse) (44km et 850 D+)]

Aujourd’hui, le Mont Aigoual est ce que nous visons pour la mi-journée ! Avec C. qui nous y attend pour découvrir la fameuse descente qui suit, sous le Col du Minier. Le soleil se lève magnifiquement et nous aussi. Un peu avant 9h, on décolle, après avoir discuté encore un peu avec le randonneur, qui nous pose des questions, se montre expert de la météo et me dit que j’ai le physique de la vttiste. (Mais je t’en fais moi des remarques sur ton physique ? Et puis c’est pas moi la vttiste, c’est F… ça m’énerve :-).

On apprécie une mise en jambes assez douce, sachant qu’on va déguster ensuite : la lecture du topo, la veille de chaque étape, nous annonce la couleur, nous fait souvent marrer par ses injonctions (« s’instruire et s’émerveiller devant le superbe panorama ») et nous aide à nous préparer mentalement. La 1ère montée est en effet « énergivore » et à découvert : la chaleur se fait déjà sentir. On pousse, la côte est raide… et la suite se déroule heureusement bien mieux, à l’ombre de la forêt.

Une descente sympa nous amène à un beau ruisseau… et quand on lève le nez pour découvrir la suite, une sorte de mur dans les pierres, on se dit qu’une petite pause nous fera du bien ! Orgie de pâte d’amande, puis on n’a même pas l’audace de se remettre en selle : on pousse direct… Le Mont Aigoual finit par se laisser identifier grâce aux antennes de sa station météo.

Au passage d’un autre ruisseau, un vttiste nous rattrape : il n’est pas chargé, pour profiter pleinement du parcours, mais retourne à son van par la route, une fois l’étape du jour finie, pour se rendre à l’étape suivante et ainsi de suite ! La conversation est très agréable et pourrait durer encore longtemps, mais mon compagnon nous attend et il nous faut repartir.

La montée se fait plus douce et continue. Et puis, le sommet est là, mon compagnon aussi ! Après un verre au snack, un autre bikepacker solo et bavard qui s’installe à notre table, et un pique-nique sous les pins, notre trio se met en chemin, à la recherche du balisage…  qu’on finit par trouver, puis par reperdre… c’est pénible… on utilise le GPS de mon ami, une fois.

C. n’a pas de chargement du tout : il vient rouler avec nous 3 jours, sur la portion la plus difficile du parcours, pour se faire plaisir, sans beaucoup de km. Il aime le VTT technique et ludique, agile et joueur… pas la distance. Il est un peu tout fou, alors que nous, avec nos VTT chargés, on sait qu’il nous faut ménager nos efforts et nos montures, si on veut arriver au bout. On sait aussi qu’une partie de notre attention doit être consacrée à l’observation des balises. Quand il part bille en tête sur une partie de route, profitant de la descente pour relâcher ses bras en faisant de grands moulinets, il rate la flèche qui indique de tourner à droite ! On l’appelle, tant qu’il est encore à portée de voix !

Au Col du Minier, la descente très musclée les ravit tous les deux. Moi, je ne prends pas de risques et marche le plus souvent, car je ne me sens pas le niveau pour slalomer entre les pierres, prendre les virages en épingle, franchir les marches. F. chute parfois, C., fonce. Je  contemple forêt et cascade… les lieux sont enchanteurs.

Au Mas de Ribard où nous logeons, après Salagosse, nous sommes très bien reçu.es et dégustons un délicieux dîner sur notre petite terrasse.


[J14 - 22 juillet 2021 – du Mas de Ribard au Vigan (23km, 560 D+ et 1120 D-)]

Après un super petit-dej pris à 7h30 sur notre terrasse et une bonne nuit de sommeil, on part dans la fraîcheur matinale qui ne va pas durer, selon notre hôte, exténuée par la chaleur de ces derniers jours. J’ai amélioré mon chargement avant (protection des gaines de frein) et de selle (rajout d’une sangle de soutien).

De nouveau sur l’itinéraire, on grimpe vers Esparon : côte énergivore, passages raides, monotrace un peu casse-gueule et qui me fait peur, dès le matin, à cause du vide parfois à gauche… je marche et je roule… ma mise en jambes est scrogneugneu… aussi parce que devant, les deux autres filent ! Et finissent toujours par m’attendre.

Esparon est très joli, avec son four et sa fontaine. La suite est très belle aussi, toujours technique, et je passe bien mieux… contente. Il faut rester concentrée ! On arrive à Molières-Cavaillac où le balisage disparaît carrément ! On cherche, on roule jusqu’à l’église où je demande à un homme assis sur ses marches : il déplore que la GMTC ne soit pas la bienvenue, explique l’absence de balisage ainsi… et nous indique gentiment comment rejoindre le tracé.

A Avèze, on s’arrête boire un verre, tenté.es par la terrasse qui nous accroche, après la montée d’un escalier dont mon compagnon a gravi presque toutes les marches !! On arrive ensuite au Vigan qu’on dépasse pour atteindre le camping du Val de l’Arre. F. et moi plantons la tente, pendant que C. se douche. On déjeune au snack où le cuisinier et la serveuse (père et fille, on le découvrira plus tard) donnent la même réponse à ma question : « Pour manger, ça se passe comment ? » « ça se passe bien ! »

Et en effet, on apprécie le repas simple et copieux, à la suite duquel, le cuisinier super sympa propose à C, qui doit retourner au Mont Aigoual pour récupérer sa voiture, de le déposer à Pont-L’Hérault où il sera plus facilement pris en stop. Et c’est le cas !

Pendant ce temps, F. et moi passons sous la douche, lavons notre linge du jour qui va vite sécher au soleil et filons à l’Arre, la rivière, pour une aprem baignade.

A 17h, C. est de retour. On profite de la voiture (même si c’est tricheeeeerrr…) pour se ravitailler au Vigan, racheter des lunettes de soleil pour F. qui a pété les siennes, et boire l’apéro sur la place du village, où un groupe, qui joue super bien, fait la balance pour un concert le soir. Ambiance bien agréable donc ! On reprend le serveur qui conseille une « bière pour homme » à C. Je réponds qu’il ne va pas prendre ça alors… F. ajoute plus tard qu’elle aurait dû la commander pour elle :-)

On pique-nique au camping : melon, taboulé… et hop ! Au lit !

[J15 - 23 juillet 2021 – du Vigan à Montdardier (23km et 1000 D+)]

Levé.es à 7h30, matos plié, thé, café, viennoiseries à l’épicerie du camping, voiture garée et c’est parti ! Ça grimpe tout de suite… et jusqu’à Montdardier, ce sera ça : des montées plus ou moins raides dans les cailloux, peu de repos roulant, des balises manquantes (qui causent un stress dont on se passerait volontiers… et qui font sortir le GPS de C…).

A Roquedur, après avoir profité de la vue sur le Pic St-Loup, on continue de grimper… par un escalier… suivi d’un beau monotrace dans les bois… mais à part ça… l’étape n’est pas très accueillante…

On a roulé 2h43, à 8,3km/h de moyenne, et en arrivant à Montdardier, « porte du Causse de Blandas », on se met les pieds sous la table avec le soulagement d’être enfin arrivé.es. A la fin du repas, le serveur apporte des tiramisus, revient avec des cafés et s’exclame devant l’assiette déjà vide de C, avec qui les desserts ne font souvent pas long feu.

On découvre ensuite le camping municipal, à quelques coups de pédales du resto. C’est minuscule, 6 emplacements grand max, sous de beaux mûriers platanes, des sanitaires tout neufs, 5€/personne. Ni F. ni moi n’avons l’énergie de repartir pour avancer jusqu’à Rogues et ainsi rogner un peu sur la grosse étape de demain. Dans le topo, la mention de « la route qui grimpe franchement » nous décourage. On fera ça demain matin, à la fraîche, après une bonne nuit de récup !

Pour C, il s’agit encore de ramener la voiture restée au Vigan : il repart pour environ 10km de descente costaud. De retour, il nous raconte ses chutes dont une dans les ronces et contre un arbre ! heureusement sans gravité…

Pendant ce temps, F. et moi avons « planté » la tente, enfin plutôt « lestée » avec des pierres (il faut bien que ces cailloux servent à quelque chose), vu le sol dur et sec, et le vent soutenu. Puis, on s’allonge dans l’herbe, savourant un repos bien mérité et contemplant nos jambes griffées, bleuies, noircies, piquées par les moustiques… Après la douche revigorante, on retourne tous les 3 dans le village, à pied, pour le rituel des courses et de l’apéro.

On rentre au camping en passant par le petit cimetière où on se paie quelques bons éclats de rire étouffés (rhooo) avec F, en observant les tombes toutes neuves, déjà payées et prêtes à recevoir leurs futur.es occupant.es…

Dîner : spaghettis à la crème, tomates fraîches, concombre… Le vieux chien, attaché à la caravane pendant que ses maîtres sont sortis, aboie et trouble vraiment le calme des lieux… La mairesse passe en début de soirée pour prélever le paiement de la nuitée. Et puis dodo !

vélo bikepacking
[J16 - 24 juillet 2021 – de Montdardier à Sauclières (41km et 1000 D+)]

Un matin comme les autres : pas besoin de réveil, la lumière nous tire du duvet vers 7h30, petit-dej etc… Et puis au moment de partir, ah bah non, pas comme les autres ce matin-là : F. s’aperçoit que son pneu avant est à plat ! Elle regonfle et on roule jusqu’au café pour réparer là, en finissant de petit-déjeuner. C. a tout rechargé dans sa voiture : il a terminé sa GTMC à lui ! F. change carrément la chambre à air et notre trio se sépare.

Ca monte et ça chauffe doucement, c’est bien. Puis, on pédale sur le Causse de Blandas et on s’approche du célèbre Cirque de Navacelles. J’ose même annoncer : « Cirque de Navacelles, nous voilà ! », sur un ton triomphal, aussitôt éteint : cette fois, c’est le pneu arrière de F. qui fait des siennes… Pause réparation, un peu fastidieuse parce que la rustine ne veut pas rester en place : il faut laisser à la colle le temps de sécher un peu avant de poser la rustine.

Le magnifique Cirque en forme de coeur admiré, on s’engage sur le sentier en balcon annoncé par le topo… je suis très impressionnée… j’ai peur de ce monotrace parfois étroit et caillouteux, avec le vide qui plonge à gauche… F. passe très bien, sans crainte, sans penser qu’il y a quelque chose de vertigineux et de potentiellement dangereux. Ma peur me tend et augmente les risques de chute. Je préfère mettre pied à terre… et remonter en selle quand je me sens un peu plus en confiance.

On rejoint finalement la route qui descend à Vissec : oh que c’est grisant de filer à nouveau ! On s’arrête près de l’église, manger ce qu’on a : pain, pomme, pâte d’amande… On ne s’attarde pas trop : une montée dans la caillasse nous attend, et le topo dit qu’on va pousser et râler. Oui on pousse, mais râler, nous ? :-)

Enfin à Alzon, avec une F. transformée en barbapapa du fait de toutes les chenilles pendues aux branches par leurs fils qu’elle a accumulées en ouvrant le chemin, on trouve l’épicerie pour quelques courses. Un couple à vélo, chargés aussi, mais en sandales et elle en robe, se font leur GTMC, surtout sur la route et parfois sur des chemins… chacun.e sa GTMC ! on le vérifiera souvent ;-)

Sur la place, à l’ombre d’un immense platane, on mange davantage. On complète la pause par un verre au bar du coin et on redécolle vers 17h30 en visant Sauclières. Le topo n’a pas dit que ça allait encore grimper sévère… et on commence à en avoir assez de faire franchir de hautes marches à nos bécanes chargées.

En arrivant à Sauclières, F. constate que son pneu arrière a bien molli… On s’arrête à l’épicerie pour acheter du pain frais et demander conseil pour bivouaquer : le terrain de foot ! me répond l’adorable épicière. Vu l’état du pneu, on adopte l’idée sans tergiverser. Avant, on est obligées de faire un stop au café-resto « Chez Nicole », devant l’église, pour une bonne bière.

On arrive au stade vers 20h. F. répare son pneu, je plante la tente, on mange dans l’abri de l’entraîneur, une petite toilette pour pas trop coller dans le duvet et au lit !


[J17 - 25 juillet 2021 – de Sauclières à Roqueredonde (45km et 600 D+)]

On se prépare pour être au petit-dej à 8h45 « Chez Nicole ». Le pneu arrière a molli pendant la nuit… F. se contente de regonfler. Je passe à l’épicerie acheter une petite baguette et le dernier croissant ! L’épicière me demande si on a bien dormi : je la remercie chaleureusement de son excellent conseil. A la terrasse de « Chez Nicole », nous ne sommes pas seules : c’est vraiment le lieu de convivialité du village, comme dans un film de Pagnol. Les ancien.nes lisent le journal, boivent le café, se racontent, s’esclaffent, se chambrent… un monde sans téléphone portable dans la main ou sur la table, un monde où les gens se regardent et se parlent directement… Le patron nous offre le beurre et la confiture « maison » … on a un vrai coup de coeur pour cet endroit et pour ses habitant.es !

Il nous faut pourtant enfourcher nos montures à nouveau. La portion jusqu’à La Couvertoirade n’est pas difficile et ça fait du bien ! que les jambes tournent, que les km défilent… A l’entrée du village, un autre voyageur à vélo est posé à l’ombre, à côté de son vélo-cargo que je prends d’abord pour un tandem. On discute un peu. Il roule depuis mars, sans objectif précis… et puis, on joue les touristes, parce qu’on ne peut pas ne pas déambuler sur les pavés des ruelles médiévales. A midi, on déjeune en terrasse, de bonnes tartines et de belles salades. On remarque les parfums des gens (eau de toilette, crème, tabac...), totalement absents lorsque nous sommes dans la nature. On oublie presque nos téléphones mis à charger dans le bar… et on retourne à nos vélos pour un clopet-carnet de bord. Arrive un autre bikepacker, avec qui on papote aussi : itinéraire, matos… comme d’hab.

Le temps est beau, pas trop chaud et les 28 petits km qui nous attendent ne s’annoncent pas techniques. Grand bien nous fasse ! On roule bien, à travers le causse. On passe au Cros (déjà?!), on arrive au Caylar (déjà?!), avant lequel le topo nous enjoint à « faire une pause amicale et photographique avec les animaux du parc animalier »… mais ça va pas ta tête ? On a aperçu des grandes cornes de zébu… et c’était bien. Au Caylar, quelques courses pour le soir, une terrasse bien tentante… mais non… et on repart !

Le balisage est à nouveau digne de ce nom et nos montures galopent, grimpent un peu dans la forêt, ralentissent dans des passages sablonneux… ça commence à sentir la mer ! On laisse le temple bouddhiste sur notre droite, à 2’ mais fermé, et on descend à Roqueredonde, où on peut faire le plein d’eau, non pas au cimetière (trop loin, trop bas), mais dans le WC public où on trouve un tuyau d’arrosage. Pas de camping proche, le seul gîte d’étape est complet et il faudrait qu’on déniche un spot qui ne nous éloigne ni l’une ni l’autre de nos itinéraires du lendemain, car oui… ils se sépareront… F. pense qu’on peut demander à la ferme du Mas de Grèzes, l’autorisation de planter la tente dans un pré. La mamie sourde appelle son fils qui accepte très gentiment et nous indique un pré parfait pour camper, avec la rivière en contrebas. Le rituel du soir se déroule sans accroc : toilette de chat, pique-nique, quelques sms, carnet de bord, dodo… et le pneu arrière est enfin tranquille à nouveau !

[J18 - 26 juillet 2021 – de Roqueredonde au Lac du Salagou (66km et 1100 D+)]

On ouvre les yeux avant 6h45, heure de la sonnerie du réveil. Ce matin, F. ne doit pas rater son bus et moi, j’ai une grosse journée devant moi. On se prépare efficacement, on décolle ensemble et on se sépare sur la petite route, sans effusion, mais non sans émotion pour moi : notre duo s’est bien trouvé et nous donne envie de recommencer. Pour moi, rouler avec F. a inséré un voyage dans le voyage, une avancée à deux (incluant elle-même un chouette moment à 3) dans mon périple en solitaire… une sorte de parenthèse bienfaisante et active, dans la durée totale du trip.

Ca monte doucement, je récupère le tracé, le balisage est toujours au top ! Que c’est reposant… Je passe devant des communautés, longe de vieilles bâtisses décorées, une grande toile tendue au-dessus d’une cour, des potagers, dont la Communauté de l’Arche à La Fleyssière, dont nous a parlé le bikepacker de La Couvertoirade, puisqu’il en venait. Puis, je savoure le plat sur une large piste à flanc de montagne, qui surplombe la vallée du Gravezon. Joncels est très beau, l’eau de la fontaine est potable et m’invite à faire un petit plein. Je comprends le sens du mot « calade » car c’est par un tel sentier que j’arrive dans le village : un chemin empierré de larges dalles calcaires.

A Lunas vers 10h, j’achète une pomme, une nectarine et un pain au chocolat à l’épicerie, où l’épicière me parle des résultats des JO : je débarque complètement dans cette actualité dont je n’avais pas connaissance... Je me pose ensuite au café pour un 2e petit-déjeuner. Je peux même retirer 40€ en espèces auprès du buraliste en réglant mon thé. Quand je sors des toilettes, un client au comptoir dit d’un ton blagueur : « Attention, v’là l’Express ! » Je reprends la route, me photographie devant le totem GTMC, trouve que j’ai l’air un peu fatiguée, alors que je me sens bien en forme, et grimpe vers le plateau, dans de la caillasse qui dérape. Mes pneus mixtes et sûrement un peu trop gonflés ne me simplifient pas la tâche. Je m’accroche. La chaleur s’installe.

Je descends sur Dio et son joli château et remonte en face dans la terre ocre. Le paysage se métamorphose vite. Les vignes apparaissent et couvrent de plus en plus certaines collines. Et ça grimpe à nouveau, assez longtemps je trouve, contrairement à ce qu’annonce le topo… pour finir par suivre une ligne de crête très belle et basculer dans l’ocre du Salagou qui m’attend au bout de cette étape. Ensuite, je pédale sur une petite route qui monte à Brenas. Je m’arrête à l’ombre, manger les fruits achetés à Lunas, et de la pâte d’amande. Je traverse Malavieille et aperçois le lac au loin !

Le vent atténue un peu la chaleur. L’aridité des paysages, les cactus qui hérissent les talus, donnent une impression de far-west. J’hésite quant au choix du camping (bivouaquer me semble impossible : il y a du monde par-tout!) et finis par me décider pour le camping principal qui se situe sur mon itinéraire et m’évite un détour. La piste le long du lac est un parcours de cross, avec creux et bosses à gogo !

Le retour à la civilisation est abrupt. Le camping est grand, chargé, cher, pour un emplacement tout sec et peu ombragé, pas de PQ dans les toilettes, mais des sacs à crotte pour les chiens !!! Bref… j’apprécie tout de même la douche et la sensation d’être propre à nouveau. J’apprécie aussi la bière au bar et m’amuse du barman qui me fait à la fois penser à un ami et à un élève : un savant mélange des 2 ! Je me régale ensuite d’un dîner improvisé au bord du lac, moins fréquenté : pain frais, tomate, chèvre, figues fraîches, yaourt, pêche… dans la lumière du couchant, en observant les voiles de kitesurf et après avoir trempé mes jambes dans l’eau. Une famille arrive et s’installe lentement, avec chaises, table : la grand-mère reste sur le bord, une femme plus jeune se baigne tout habillée, et les filles ados sont en maillots, bras dessus bras dessous, les cheveux au vent… c’est beau… le plus jeune est un petit garçon de 3 ans environ, la pelle à la main, inconsolable car désespéré de ne pas trouver de sable pour jouer…

Bien sûr, ce soir, c’est « karaoké »… et à ma grande surprise, je m’amuse, couchée dans ma tente, à écouter les voix qui se coulent plus ou moins habilement dans les chansons choisies, voire à chantonner moi-même… à 22h, la soirée s’achève et je peux m’endormir dans un calme retrouvé… Contente aussi de savoir F. revenue sans encombre à sa voiture.

Vélo devant le totem du Lac du Salagou

[J19 - 27 juillet 2021 – du Lac du Salagou à Pézenas (64km et 910 D+)]

Prête à 8h pour un petit-dej au bar, servi par le toujours aussi amusant barman (mi-ami-mi-élève). Un beau sourire et un « Bravo » d’une gentille dame qui passe devant moi, sa baguette sous le bras. Puis, direction Clermont-L’Hérault qui est à quelques encâblures et la route se redresse déjà, sans difficultés majeures. Là-haut, c’est beau, aride, désertique, minéral, avec des tas de pierres, des abris, des vestiges, des chevaux sauvages et… une petite erreur d’aiguillage. Le balisage est tellement efficace que quand je ne le vois plus, je sais que je fais fausse route… en l’occurrence descendante. Stop ! Une bergerie me donne l’espoir de trouver quelqu’un à qui demander, mais à part les brebis et 3 chiens, personne. Je décide de remonter et retrouve le balisage : une flèche « à droite » m’avait échappé ! Je suis rassurée et contente de ne pas être descendue sur le mauvais versant… et de m’être bien débrouillée, juste en observant et en réfléchissant, sans précipitation.

Je passe le village de Péret en contre-bas et puis le chemin se cabre à nouveau, avant de plonger sur de la bonne caillasse parfois… pas V3- pour rien. Passage à Cabrières, avant de m’engager sur une piste qui grimpe d’abord gentiment vers les ruines de Tibaret, lieu rattaché à une ancienne Commanderie Templière, et se termine dans une montée ultra raide et bourrée de pavés… je ne passe pas autrement qu’à pieds… surtout dans cette fournaise (mon thermomètre indiquera 38,8° dans la journée). La bascule dans la descente qui suit n’est pas de tout repos non plus !

A ma grande surprise et pour mon plaisir naïf, la huppe fasciée surgit parfois des bois et me montre le chemin. J’arrive à Neffiès vers 12h30, pensant pouvoir m’y restaurer mais TOUT est fermé, alors qu’on est mardi… ? et la chaleur est accablante. A côté de l’église, je distingue des personnes attablées sur leur terrasse, derrière une palissade ajourée… Je m’excuse de les déranger et leur demande s’il y a une fontaine dans le village et si quelque chose est ouvert pour acheter à manger. Ils ont un peu pitié de moi, m’indiquent la fontaine et m’offrent un sandwich au jambon avec du beurre, une tomate et une banane !… que je ne refuse pas… et que je vais manger à l’ombre de l’église. Je suis touchée par leur générosité et leur gentillesse… tout en me demandant s’ils auraient réagi de la même manière, si j’avais été un homme, en guenilles…

Je repars vers 14h. La chaleur continue de sévir mais j’ai encore des km devant moi et je suis motivée pour avancer. Je traverse Caux et continue de zigzaguer entre les vignes, de monter, descendre… le topo avait bien prévenu « Apprêtez-vous à gravir des collines les unes après les autres ». L’arrivée à Pézenas me plonge dans une ville aux maisons bourgeoises, aux hôtels particuliers et aux jolies ruelles agréables à traverser. Je m’installe au camping, un peu excentré, et retourne avec mon vélo allégé, flâner dans le centre-ville, boire un verre de vin (après toutes ces vignes côtoyées, il me fallait bien goûter!), dîner, place Gambetta, face à la Maison Consulaire, d’un menu « Terre et Mer »… et assister à un spectacle ambulant contant le lien de Molière à la ville.

Demain… dernier jour…


[J20 - 28 juillet 2021 – de Pézenas au Cap d’Agde (74km et 420 D+)]

A 3h du matin, il commence à pleuvoir… dans un 1/2 sommeil, je rêve qu’il faut évacuer le camping, que tout est inondé, dévasté... l’horreur…

Il est 7h quand une accalmie m’encourage à sortir du duvet et à me préparer. Tout est prêt dans la tente mais la pluie retombe de plus belle… j’attends, j’écoute, j’observe, je réfléchis. Pour le dernier jour ! Cette pluie inattendue est un comble ! Et je me sens un peu coupée dans mon élan, si près du but ! Si ça continue, je vais à Castelnau-de-Guers par la route et je shunte l’étape du matin qui fait une boucle de 36km, alors qu’entre Pézenas et Castelnau, il n’y a que 3 ou 4km par la route !

Les gouttes ralentissent. Je rapatrie mes affaires au sec, sous le porche, à côté de l’accueil. C’est là que je vais apprendre le nom de la huppe fasciée, grâce à une affiche sur les oiseaux. Je charge le vélo tranquillement. A 9h30, je peux partir, avec au-dessus de la tête, un ciel qui se troue de bleu.

Je peux donc suivre le parcours prévu, m’arrête à Montagnac acheter quelques fruits sur l’étal d’une maraîchère, roule sur un très beau single entre les pins, traverse des vignobles jalonnés de sculptures, me fait plaisir dans les reliefs ocres. A Castelnau, rien d’ouvert à nouveau ! J’ai la poisse ou quoi ? J’arrive juste à boire un Perrier tranche à l’unique café sur le bord de la route, où le gérant ne fait plus de repas à cause du Covid : personne ne venait plus, il devait manger ce qu’il préparait, ce qui n’a pas réussi à son ventre, en effet bien rebondi. Je grignote donc fruits et pâte d’amande, et repars vers 13h30.

A mon passage, deux petits garçons, accoudés à une fenêtre, crient : «Le Tour de France ! », sur une boîte aux lettres : « Pas de pub, que des lettres d’amour ! », sous une autre, un peu haute, un parpaing, pour petit.e facteur.rice... J’aime ces détails…

Je trouve le moyen de me paumer après Florensac… on ne rit pas… c’est que ça roule trop vite ! et je me retrouve dans un cul-de-sac, devant une grille, une grande maison, une voiture garée derrière, et des personnes. La femme vient vers moi et appelle son fils qui fait du VTT et connaît bien les chemins alentours. Ses indications me permettent en effet de retrouver mon chemin, pas si loin : merci Noé !

Je parviens assez rapidement au Canal du Midi, à l’Hérault et à Agde ! La ville semble belle, j’hésite à faire une pause… et puis non, arriver me donne envie de continuer ! Le Cap est encore à une dizaine de km de là, je cherche un peu les flèches rouges que je remercie d’apparaître et qui me permettent d’appuyer sur les pédales et de lâcher les freins. J’essaie de ne pas me laisser agresser par les attractions aquatiques, la foule en maillots de bain, les toboggans multicolores, les scooters des mers, les bateaux qui tractent des bouées géantes, les cris, les pleurs, les chiens en laisse, les appartements en ribambelle...

Dans les derniers mètres, je reçois encore un « Bravo ! » d’un beau gars bronzé qui le sait. Et à 16h, les 4 totems du terminus de la GTMC se dressent devant moi. Si on regarde vers la mer, l’endroit est plutôt beau… avec la plage de la Grande Conque en contrebas. Par chance, l’appart de mon amie est juste à côté. Je suis heureuse d’y trouver une bulle de calme, où je peux réaliser que le voyage est terminé, que j’ai réussi !

Je file sur le port, sature très vite à nouveau de la foule et des boutiques, mais finis par trouver une terrasse où je me sens bien, un peu à l’abri, et où je peux fêter le défi relevé avec une bière et une belle glace !

Le soir venu, je descends sur la plage au sable volcanique… que l’eau est bonne… et que c’est bon de nager après avoir autant pédalé ! Tout ça pour un plouf dans la Méditerranée !

Vélo devant le totem du Cap d'Agde
[Retour en vélo-train-vélo – 31 juillet 2021 – De Agde aux Chirouzes]

Je reste 2 jours au Cap, où je me promène à vélo, trouve une plage un peu moins blindée (les coquillages sont moins prisés que le sable) pour exposer mon bronzage cycliste et me baigner. Je laisse aller le temps et mes pensées… me dis que je vais devoir me préparer à la suite, à revenir dans une autre réalité, un autre rythme… La veille de mon départ, je libère l’appartement et pédale jusqu’à Agde que je visite sommairement, avant de m’installer à l’hôtel où je passerai ma dernière nuit, avec mon vélo dans la chambre. Je profite de l’après-midi pour filer le long de l’Hérault et découvrir la plage de la Tamarissière, censée être un peu plus « sauvage »… bon… quelques pins et herbes de dune, mais que de monde à nouveau… et que de déchets… Un père montre un coquillage à son fils, quand je ne vois que détritus, plastique… désespérant… Sur la plage, je me trouve un brin d’ombre, à l’abri d’un buisson à longues feuilles : en plein soleil, je n’aurais pas tenu. L’eau est claire et agréable. Je supporte la foule. Je rentre vers 16h, me pose dans la fraîcheur de la chambre, retourne dîner en ville et m’offre un plateau de fruits de mer, en guise de conclusion.

Le lendemain, je me réveille à 5h et pars dans la nuit. Le grand portail de l’hôtel est fermé, mais le portillon à sa droite est ouvert, comme exprès pour moi. Une voiture s’arrête au Stop juste devant moi et laisse traverser un hérisson ! La journée commence bien ;-) Mon train de 5h59 est à l’heure. A Nîmes, ma correspondance me laisse le temps d’un petit-dej en terrasse, et même de jouer sur le piano de la gare. J’arrive vers 12h30 à Brioude, après un voyage sans encombre, et enfourche ma bécane pour les derniers petits km qui me séparent de la maison. J’avale la côte, qui me donne du fil à retordre d’habitude, sans rechigner : ah bah, j’aurai pas fait la GTMC pour rien !


[Bilan du voyage…]

 
Côté chiffres :

  • En tout, j'ai parcouru 940km et 17 000m de dénivelé, en 20 jours, sur un itinéraire de difficulté V2- à V3+, avec quelques passages techniques V4/V5
  • En moyenne, j'ai roulé 4h/jour, à 11km/h, donc environ 47km/jour
  • J'ai pédalé sur un VTT semi-rigide de 12kg, avec un chargement de 10 à 12kg
  • Je n’ai rencontré aucun problème technique
  • La météo m’a offert un bon échantillon de tout son catalogue, hors neige et grêle
  • J’ai dormi 5 nuits « en dur », 5 en bivouac, 9 en camping

Côté sentiments, sensations, émotions, impressions :

Je n’ai pas accumulé de fatigue, ni physique, ni psychologique. Probablement parce que j’ai correctement évalué ce dont je me sentais capable et que mon plan de route m’a donné un rythme qui m’a convenu : avancer, sans forcer, en profitant des paysages, sans pression… pour voyager, plus que pour accomplir une performance. Probablement aussi parce que je me suis bien préparée : vélo, matériel, itinéraire, sacoches, sorties régulières, variées, progressives… Ma motivation, mon humeur et ma forme ont été stables et constantes. La présence de F. et de C., en milieu de périple, y a bien contribué. Ainsi que de bonnes nuits d’un sommeil réparateur.
En revanche, j’ai accumulé de l’endurance ! Je le remarque de façon flagrante quand je remonte maintenant sur le vélo pour les parcours que je connais près de chez moi ! Mais je dois me réhabituer à piloter un vélo nu et léger, rien à voir…

J’ai aimé retrouver le rapport particulier à l’espace et au temps, découvert l’an dernier en suivant la Loire. Parcourir une géographie d’abord connue, de Clermont-Ferrand jusqu’au Mont Mouchet, en gros… puis nouvelle, des Cévennes jusqu’à la Méditerranée… est un plaisir singulier, surtout quand on accède aux lieux à vélo, à la seule force de son corps, à la vitesse de ses jambes…
J’ai aimé la paix que me procure un tel voyage : je suis seule, me déconnecte d’internet (pas de mails, pas de facebook), me coupe de l’actualité (covid, annonces ministérielles…)… c’est comme une cure detox… beaucoup plus sportive et moins méditative que la Loire l’an dernier… un temps durant lequel je ferme certaines portes (écrans, boulot...) et en réouvre d’autres (nature, rencontres...)…
Bien sûr, j’ai conscience que c’est un luxe… qu’il faut pouvoir se l’offrir… avoir le temps, l’argent…
Consciente aussi que l’accueil que j’ai reçu, les rencontres que j’ai faites (aucune mauvaise), ont été agréables et positives, du fait que je suis une femme qui roule seule. Dans le train du retour, un gars, seul à vélo, avec du bordel dans une remorque un peu pourrie, m’a abordée et raconté ses galères… il s’est fait jeter de campings, de restos… bon… je n’avais pas tous les éléments, et seulement sa version, mais… moi, je n’ai pas vécu ça. Avec F, on se faisait cette réflexion aussi : toutes les marques d’intérêt témoignées n’auraient sûrement pas existé si on avait été 2 mecs. Ce serait chouette qu’on s’habitue à voir autant de femmes que d’hommes à vélo, en voyage, en autonomie, et que le genre ne fasse plus de différence là non plus...